Intervention de Samia GHALI en Conseil municipal le 15/12/08

Publié le par Groupe municipal Faire Gagner Marseille

Intervention de Samia GHALI, Maire des 15 et 16ème arrondissements, sur le Rapport n°237 : "Renforcement de la politique municipale en faveur du Logement"

Monsieur le Maire,

Je suis très satisfaite d'avoir dans ce contexte actuel ce débat sur le logement à Marseille. Les attentes de nos concitoyens dans ce domaine sont en effet immenses et la crise que nous affrontons aujourd'hui va, à coup sûr, accentuer les problèmes.

Nous vous avons depuis longtemps alerté sur ce sujet qui nous paraissait évident, à savoir la pénurie de logements bon marché et l'insolvabilité préoccupante des ménages de plus en plus nombreux. Il faut avoir l'honnêteté de reconnaître que de nombreuses autres grandes villes connaissent ce problème, mais de manière moins cruciale qu'à Marseille, vu la sociologie de notre ville. Il semble, comme l'a rappelé votre Adjointe, que vous ayez réellement pris conscience de la situation en 2006 lors des Assises du Logement. De nombreux experts, qui n'étaient pas tous de dangereux experts gauchistes, ont alors confirmé le constat que nous faisions, à savoir que le parcours résidentiel d'une majorité des Marseillais était complètement bloqué et que l'un des problèmes clés était l'insuffisance de production de logements sociaux. Jusqu'à cette date, et c'est une faute politique que j'aimerais vous entendre reconnaître, vous n'aviez absolument pas pris conscience de ce problème.

Ainsi, en décembre 2002, vous donniez une interview à la revue l'Information Immobilière et vous déclariez, je vous cite: "Nous savons tous que la gestion locative est généralement meilleure et moins coûteuse dans le privé". Suivait alors un long plaidoyer contre l'intervention publique et pour une grande liberté du marché du logement. Je vous cite encore : "Pour autant, c'est par des formules attractives sur le plan fiscal que l'investissement immobilier pourra se développer et non par un recours systématique aux bailleurs sociaux, qui doivent participer à la politique globale de l'habitat et non l'étouffer". Tout est dit ! Et à chaque fois que nous pointions l'insuffisance des logements sociaux à Marseille, vous nous accusiez de faire de l'idéologie !

Je rappelle aussi que pendant dix ans vous n'avez eu de cesse de vendre des terrains à des promoteurs privés, pour 110 millions d'Euros, sans les contraindre à quoi que ce soit ! Vous avez ainsi accompagné, voire contribué à la folle spéculation qui a conduit au doublement des prix du logement en moins de six ans dans notre ville. J'arrêterai là mon analyse du passé, mais elle est éclairante.

En juillet 2006, le mécontentement croissant d'une grande partie de la population vous conduit à mettre en place un Engagement Municipal pour le Logement. Cet engagement constitue indéniablement un changement de cap, mais nous vous l'avons dit immédiatement, il reste trop axé sur l'accession à la propriété, qui ne concerne que 20 à 30 % des foyers marseillais, vu le revenu moyen des Marseillais dans notre ville.

La mesure phare est évidemment le Chèque Premier Logement, cette usine à gaz pour laquelle vous débloquez 6 millions d'Euros, c'est-à-dire beaucoup plus que ce que vous avez consacré au logement social en dix ans ! Cette mesure devrait toucher 2 000 foyers marseillais par an et, au bout de dix-huit mois, elle n'en concerne que 353 ! Alors, lorsque Mme FRUCTUS effectivement se glorifie de ce résultat, je voudrais lui dire tout simplement que pour 820 000 marseillais, 350 Chèques Premier Logement, je trouve vraiment que l'on ne peut pas aujourd'hui considérer que ce Chèque Premier Logement soit une grande victoire pour la Ville de Marseille ! Ce n'est donc pas une véritable réussite. Mais je reconnais qu'elle a pu permettre à certains d'entre eux, certains des 353, d'accéder plus facilement à la propriété. Mais, encore une fois, 353, c'est trop peu !

L'engagement municipal comportait aussi, heureusement, des mesures favorables à la production de logements sociaux. Il mettait en place un soutien direct aux opérateurs et affirmait enfin une volonté d'intervenir plus activement sur le foncier. C'est en effet là qu'est le cœur du problème. Mais pour des raisons idéologiques autant qu'économiques, votre Municipalité n'a pas montré un activisme forcené dans ce domaine, à l'exception des zones sur lesquelles elle a demandé à l'EPFR d'intervenir pour son compte.

Entre temps, la Communauté Urbaine, que vous présidiez, a obtenu la délégation de compétence des "aides à la pierre" et mis au point le PLH, plus volontariste, avec l'amicale pression de l'Etat. Je crois que cette étape a été décisive et qu'elle a effectivement permis de passer à une vitesse supérieure, comme l'attestent les dernières statistiques. Marseille Provence Métropole aura ainsi financé plus de 1 700 logements sociaux en 2006 et 2007, et j'espère que l'année 2008 sera aussi bonne.

Par contre, nous inaugurerons aujourd'hui les logements sociaux que vous avez financés dans les cinq dernières années et, là, les chiffres sont un peu différents de ceux que donnaient Mme FRUCTUS : 567 livrés en 2005, 776 en 2006 et 492 en 2007. Vous comprenez maintenant pourquoi j'étais obligée de revenir un peu sur le passé.

Mais au-delà du quantitatif, il y a aussi la répartition géographique de ces logements, sur laquelle il faut s'interroger. Malgré toutes vos déclarations, je ne vous vois pas déployer une énergie folle pour implanter des logements sociaux dans certains arrondissements de Marseille. La loi SRU appliquée par arrondissement est une idée qui fait son chemin et que, j'espère, Monsieur le Maire, nous défendrons ensemble, comme nous l'avons fait sur la Zone Franche, pour qu'elle soit mise en application sur notre territoire et notamment à Marseille.

Nous fondons aussi beaucoup d'espoir sur le programme de rénovation urbaine piloté par l'ANRU. Cinq conventions ont en effet été signées dans notre ville, une sixième est en voie de l'être pour la Savine. Mais nous exprimons aujourd'hui aussi beaucoup d'inquiétudes, et par là même les inquiétudes des habitants, sur les retards et les problèmes de financement que connaissent ces opérations. Il faudra absolument accélérer les travaux, sous peine de provoquer beaucoup de déceptions et de mécontentement dans ces quartiers. Monsieur le Maire, vous qui vous proclamez un excellent défenseur de Marseille auprès des hautes instances parisiennes, je regrette que vous n'aidiez pas à débloquer les projets ANRU qui n'avancent plus !

Vous abordez enfin dans ce rapport l'éradication de l'habitat indigne, ainsi que la mobilisation des logements vacants. Ce sont évidemment deux axes de travail essentiels, car ils permettent de reconstruire la ville sur la ville et de stopper l'étalement urbain, qui est l'une des plaies de notre métropole. Vos intentions sont évidemment louables, votre volonté est à coup sûr sincère. Le problème, c'est qu'il manque l'essentiel, à savoir des moyens financiers calibrés à la hauteur des enjeux. C'est une question prioritaire. Je connais aussi la volonté de votre Adjointe à vouloir effectivement avancer sur ce terrain, mais je crois qu'il faudra l'aider un peu plus avec des financements. Je sais que notre Ville a des problèmes financiers, mais je pense que l'on pourrait redéployer un certain nombre de crédits pour accentuer l'effort dans ces deux domaines.

Voilà, Monsieur le Maire, chers collègues, les quelques réflexions que m'inspire ce rapport. Je ne vous cache qu'au vu du contexte économique actuel, j'ai beaucoup d'inquiétudes pour les mois et les années à venir. Les transactions sont en chute libre, les mises en chantier ralentissent brutalement sur de nombreux quartiers, comme à la Capelette, et de plus en plus d'habitants n'arrivent pas à se loger décemment. Le Gouvernement a fait quelques annonces intéressantes, je pense entre autres au rachat en VEFA d'un certain nombre de programmes immobiliers, ce qui concernera non pas 1 000 logements, comme a pu le dire votre Premier Adjoint dans un journal, mais tout simplement 550 logements sur MPM, ce qui voudra dire 450 logements sur Marseille. Mais parallèlement, le budget du logement est en baisse. Il y a aussi la loi DALO, Droit Au Logement Opposable, excellente dans son principe mais qui est une bombe à retardement pour l'ensemble des opérateurs concernés. Là aussi, après les annonces et les promesses, la déception risque d'être cruelle.

Malgré les bonnes paroles des uns et des autres, je crois vraiment que les prochains mois seront sombres, malheureusement. Nous sommes tous des élus de terrain en première ligne face à cette crise sans précédent. Sans renier aucune de nos convictions, nous devons impérativement unir nos efforts et travailler dans la même direction. C'est d'ailleurs ce que j'avais proposé et ce que je propose encore une fois, et que je vous renouvelle ici, Monsieur le Maire, et ce que je ferai à la Communauté Urbaine puisque je suis en charge du logement social auprès du Président Eugène CASELLI, afin bien sûr que nous puissions trouver des solutions à la crise du logement.

Merci.

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