Intervention de Patrick MENNUCCI en Conseil municipal le 09/07/09

Publié le par Groupe municipal Faire Gagner Marseille

PROJET DE RECONFIGURATION DU STADE

C’est dans un contexte malheureusement bien particulier que nous examinons ce rapport sur la reconfiguration du stade Vélodrome.  Je tiens à mon tour à m’associer à l’hommage rendu à Monsieur Robert Louis-Dreyfus, sans lequel l’Olympique de Marseille ne serait certainement pas là où il en est à l’heure actuelle. Malgré ses réticences à communiquer publiquement, Monsieur Dreyfus aimait notre ville et son club. Avec cette disparition, s’ouvre une période d’incertitude qui, je l’espère, sera la plus courte possible. Car, au delà de l’aspect sportif -qu’on le déplore ou que l’on s’en félicite- nous savons tous que l’image de l’OM influe sur l’image de notre ville.

En ce qui concerne la reconfiguration du stade Vélodrome telle que vous nous la présentez aujourd’hui, il y a au moins trois bonnes raisons pour soutenir ce projet.

- L’engagement de notre pays pour l’organisation de l’Euro 2016 nous impose la couverture de l’intégralité des tribunes ainsi que l’agrandissement de la capacité d’accueil à 70 000 places. Au cas où la France serait désignée lauréate -ce qui n’est qu’une hypothèse- ces travaux permettraient à notre ville d’accueillir plusieurs rencontres. J’espère, à ce propos, que l’Etat « mettra généreusement la main à la poche » car tout le pays profitera de cette compétition. L’importance des retombées économiques et médiatiques qu’engendre ce type d’événement, nous le savons tous, est considérable. Il nous permettrait de braquer une nouvelle fois les projecteurs sur notre ville, 3 ans après avoir fêté les cultures européennes.

- Doter Marseille d’un équipement d’une telle ampleur et d’une telle modernité correspond aussi à notre ambition commune de faire entrer la ville dans le « top 20 » des grandes métropoles européennes. L’ardente obligation sera évidemment de réaliser un grand geste architectural qui permettra de renforcer l’image et le rayonnement de notre ville.

- Enfin, nous pensons aussi au simple confort des 50 000 marseillais, jeunes et moins jeunes, qui viennent assister aux rencontres, dans des conditions de confort qui sont loin d’être satisfaisantes pour la majorité d’entre eux. Même s’ils ne sont pas tous, loin de là, contribuables marseillais, ces spectateurs ont le droit d’être accueillis de manière décente dans une enceinte publique.

Mais nous avons aussi quelques réserves sur cette démarche de contrat de partenariat telle que vous nous la proposez aujourd’hui.

Le projet, dans sa forme actuelle, est en effet l’aboutissement de la logique du « foot business » dans lequel l’ensemble des pays européens est entré depuis plusieurs années. La multiplication par 6 des droits télévisuels entre 1998 et 2005 a apporté des ressources considérables aux grands clubs. La contrepartie de cette manne, c’est l’inflation des salaires des joueurs (multipliés par 4 en 10 ans !), qui veulent aussi profiter de ce boom, ce qui oblige évidemment leurs employeurs (les clubs) à trouver de nouvelles sources de revenus.

Le rapport Seguin puis le rapport Besson ont parfaitement décrit ce qu’ils considèrent comme la principale faiblesse des clubs français. Ceux-ci tirent à peine 13% de leurs ressources de la billetterie et 20% du merchandising (marchandisage) alors que les droits télévisuels représentent 57% de leur budget. Le rapport Besson conclut (je cite) « moins de spectateurs, dépensant moins, dans des stades moins confortables, le manque à gagner pour les clubs français est considérable ».

On pourrait pourtant penser que Marseille a une place un peu à part en raison de sa fréquentation exceptionnelle, or ce n’est absolument pas le cas. La vente des billets rapporte 19 M€ chez nous, 22 M€ à Lyon, 89 à Barcelone et 138 millions à Manchester ! Evidemment le prix moyen des places n’est pas le même ; il est en Grande Bretagne de 60€ en moyenne, ce qui a d’ailleurs largement ôté à ce sport son côté populaire, mais je vais y revenir.

L’analyse de la structure des recettes des clubs les plus riches fait ainsi apparaître la place prépondérante du stade comme source de revenus. La restructuration du stade vélodrome, telle qu’elle nous est présentée aujourd’hui, a donc d’abord pour objectif de bouleverser l’exploitation économique de l’enceinte sportive pour en faire un vrai « centre de profit » à l’instar de l’Emirates Stadium à Londres ou de l’Allianz Arena à Munich. Poussant au bout cette logique capitalistique, les clubs souhaitent maintenant d’ailleurs devenir eux-mêmes propriétaires de leurs stades. C’est le modèle choisi par l’Olympique Lyonnais et que vous avez décidé de refuser à l’OM.

Les réserves que nous émettons sur cet aspect du projet sont évidemment liées à notre crainte de voir le critère « rentabilité » devenir l’objectif principal de cet équipement, ce qui pourrait avoir une incidence sur le prix futur des places. Je sais que ce n’est pas l’exploitant qui fixera la tarification, mais si l’on demande plus à l’OM, il est probable que le club répercute sur les billets cette charge supplémentaire. Dans le rapport, il est ainsi clairement dit que l’une des priorités de la restructuration est la création de 5 000 places supplémentaires transformées en (je cite) « sièges à prestation » destinés à rapporter plus de 150 à 200€ à chaque match.

Pour éviter de peser sur le budget de la Ville qui est déjà tendu, vous accordez à l’opérateur privé un important droit à construire pour 40 000 m2 autour du stade. Vous savez certainement que le même type de projet vient d’échouer à Strasbourg, car l’investisseur privé, confronté à la crise, demandait une rallonge supplémentaire de 100 millions € aux collectivités ! Je partage évidemment le souci de la ville d’économiser l’argent public dans cette opération, mais je ne voudrais pas que, avec ce montage plutôt complexe, nous devions payer autant, voir plus, sous la forme de redevance pendant 35 années… Il est donc essentiel que notre collectivité soit extrêmement prudente dans les engagements qu’elle s’apprête à prendre tant avec le futur exploitant du stade qu’avec le club qui lui louera cet équipement.

Il faut aussi impérativement que la ville se donne tous les moyens de contrôler cet énorme projet immobilier qui va bouleverser le quartier. Il nous faut exiger un projet urbain cohérent et durable auquel devront être largement associés tous les marseillais. Une réflexion d’ensemble s’impose entre autres quant à l’accessibilité du site par les transports collectifs ainsi qu’au contenu de sa vocation commerciale.

Il y a enfin un dernier problème que nous pose ce contrat de partenariat. Je veux parler du « naming right ». Derrière ce nom étrange se cache le fait que le futur exploitant du stade vendra au plus offrant le nom du « stade Vélodrome » qui sera ensuite affublé d’un nom aussi poétique que «Adidas Arena» ou (au hasard) «Bouygues Stadium».

Connaissant votre attachement à l’histoire de Marseille au XXème siècle, je suis sûr, Monsieur le Maire, que vous comprendrez que nous atteignons là un stade (...) infranchissable. Voulez-vous que l’on se souvienne de vous comme celui qui aura vendu, si ce n’est le stade, mais le nom du stade à un exploitant privé ? Nous ne sommes pas ici dans l’anecdotique mais dans le symbolique. Et dans notre ville méditerranéenne, les symboles ont une grande importance. Le stade Vélodrome, construit en 1937, est notre patrimoine commun comme l’est son nom. Le débaptiser au nom de la seule religion de l’argent, c’est défigurer l’image de notre ville. Nous souhaitons donc que le futur exploitant du stade Vélodrome ne touche pas son nom.

Vous l’avez compris, notre jugement sur le principe du contrat de partenariat est nuancé. Il répond à des objectifs que nous partageons et à des contraintes que nous connaissons. Mais il comporte aussi des incertitudes tant sur son coût réel pour la collectivité, que sur ses conséquences à moyen terme sur le prix des places. Enfin le projet immobilier qui lui est associé devra être parfaitement maîtrisé par notre collectivité et s’insérer dans un grand projet urbain durable.

Nous voterons donc pour ce rapport tout en restant extrêmement vigilants sur la suite. Je souhaite bien évidemment que des membres de notre groupe fassent partie de la commission qui pilotera l’ensemble de la démarche et qui sera associée au « dialogue compétitif » qui va s’instaurer avec le ou les futurs candidats.

Nous ne sommes qu’au début d’un long processus. Notre assemblée devra se prononcer dans 12 à 15 mois sur un montage plus précis et sur un projet plus concret. Nous espérons qu’il permettra d’éclaircir les quelques zones d’ombre que je viens de mettre en évidence.

Publié dans Sport

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